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Geektature
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9 décembre 2009

Combat d'infirmes : Hikikomori Battle Session.

Je m'excuse déjà du temps que j'ai mis à faire cet article. Et je m'excuse à l'avance de sa qualité médiocre : il s'agissait d'un des walls of text les plus impressionants et déconstruits que j'avais écrit depuis longtemps. Mais à la semi-relecture, je me suis rendu compte que tout n'était pas intéressant, ou même en rapport, et que tout était surtout effroyablement long. Et, encore une fois, pas intéressant (om nom nom délicieux paragraphes sur les qualités littéraires de chaque bouquin écrit par un mec qu'a eu 8 en Littérature au Bac). J'ai donc supprimé un paquet de truc, ce qui ne va au final rien arranger à la cohérence globale. En tout cas, c'était chiant. Après, vous avez intérêt à acheter les bouquins dont il est question. Putain. Ouais.



Je suis entouré de personnes biens. Elles ne le sont pas toutes, évidemment, mais malgré mes tonnes de raisons légitimes de me plaindre sur ma vie telle qu'elle est, j'ai au moins la chance de ne pas fréquenter quotidiennement des gens imbuvables, à l'exception notable de ma prof de civilisation allemande, que je dois subir 2 fois par semaine.

Ce qui me fait dire ça, c'est que j'ai pu avoir avec les-dites personnes des discussions constructives. Sur des sujets variés, comme la liberté d'expression, dans le cadre d'un cours ; ou, plus trivial, sur la prime de Raymond Domenech, et sur le rapport à l'argent que les gens ont en général, dans le cadre d'un déjeuner. Tout ça sans tomber dans le cliché du bobo à écharpe révolté contre le grand Capital, qui discute du texte des futurs tracts à distribuer avec son ami punk à chien.
Ce qui est intéressant évidemment, c'est les désaccords. J'ai une sainte horreur de la masturbation intellectuelle à laquelle j'ai déjà eu la malchance d'assister par le passé, où les gens vomissent leurs impressions "profondes" quant à un sujet, ou un film/quelconque autre oeuvre (le domaine artistique se prête très bien à l'hédonisme cérébral, hélas), s'attardant des heures sur la perception profonde qu'ils ont profondément ressenti et à quel point le message est fort et profond, et profond profond profond deep deep derp. Il n'y a pas de dialogues, il n'y a que des gens qui glosent à tort et à travers, tenant fermement le sexe de leur voisin dans la main, en attendant que celui-ci rajoute un peu de sperme dans la piscine d'auto-satisfaction qu'ils construisent mollement et dans laquelle ils se jetteront en se voyant déjà médaillés d'or de 400m prose libre.

C'est acceptable de faire un article de ce type sur son blog. C'est acceptable d'en parler dans un but strictement informatif pour qu'autrui s'y intéresse. Mais si il y a plus d'un égo dans l'assistance, quel intérêt ? Oui, je suis un troll, oui, j'aime la confrontation. C'est pour ça que sur Geektature, je n'aime pas trop parler de choses à la fois bien et reconnues. Je préfère dire du mal de trucs connus (encore que je ne le fasse pas tant que ça : à part pour ce qui est de mes deux nemesis, le sexe féminin et le droit de vote) ou dire du bien de trucs peu connus. Voilà du challenge.
Je ne parle pas de One Piece, par exemple, alors que j'en suis un fan invétéré. La question n'est pas de savoir si j'aime One Piece ou pas. Le fait est, qu'objectivement, c'est un des meilleurs mangas existants ; et que les seuls gens qui pourraient s'opposer à cette vision ne possèdent de toute évidence pas le QI nécessaire pour se connecter à Internet et formuler une opinion raisonnée (la raison à ceci étant, je le rappelle, qu'ils n'aiment pas One Piece).

Un exemple frappant et plus trivial de ce genre de discussion que j'apprécie, ce sont les "confrontations" improbables. Et il faut bien l'admettre : toutes les oeuvres abordant des questions aussi importantes que "qui gagne entre X et Y ?" (points bonus quand il y a un "Versus" dans le titre) sont des monuments littéraires ou cinématographiques qui resteront durablement érigés et à l'abri de la critique dans la fresque historique de l'art contemporain.

Geektature va désormais apporter sa pierre à l'édifice. Et, autant que possible, en restant original. Confronter des personnages de fiction, ce n'est guère original : y a plein de gens qui le font déjà. Mais pourquoi se limiter à des personnages issu de la pop-culture japonaise ? Le monde est large, les possibilités sont vastes. Le vivier offert par l'Asie est grand, mais l'Occident n'a pas à pâlir, et c'est en mélangeant les deux qu'on peut arriver aux duels les plus intéressants : Ninjas contre Pirates, Samuraïs contre Chevaliers, Luffy contre Reed Richards, le Juge Ti contre Miss Marple, La Grande Muraille de Chine contre le Mur d'Hadrien, Oda Nobunaga contre Bismarck. Rance contre Gilles de Rais.


International Hikikomori Challenge

Challenger n°1

NHK_02

Tatsuhiro Sato

Challenger n°2

ignatius

Ignatius Reilly

Un duel au sommet en perspective ! Le héros de "Welcome to the N.H.K.", Tatsuhiro Sato, est probablement la figure emblématique du phénomène "hikikomori", véritable no-life en phase terminale, incapable de sortir de chez lui plus d'une fois par semaine, s'enfermant dans son appartement minable où il passe le plus clair de son temps à dormir et à alimenter ses pulsions paranoïaques.
Mais il pourrait trouver un adversaire de taille et de poids en la personne d'Ignatius Reilly, tout droit sorti de "La Conjuration des Imbéciles".
Quel est le meilleur ? Et le meilleur en quoi d'abord ? Et qu'est ce que c'est, je n'ai même pas ?

Les créateurs : De quels cerveaux malades ont pu émerger ces deux personnages ? Welcome to the NHK était à la base une light novel écrite par Tatsuhiko Takimoto. Ce dernier l'avoue lui-même : écrire un livre sur les hikikomoris n'était pas un problème, vu qu'il l'est lui-même. Son but était de faire une fiction se basant sur ce triste phénomène, tout en essayant de la garder la plus divertissante possible.
Il a échoué. Ce n'est pas moi qui le dit ; c'est lui. Même si il est parvenu à faire un roman, il ne le trouve pas divertissant. Il en a plutôt honte, car en fait, il se reconnaît dans la plupart des situations que traverse Sato. En somme, recours à l'usage de drogue et de sommeil pour éviter de sombrer dans l'ennui, quotidien ponctué par la masturbation, psychoses, tentatives de rationaliser l'échec de sa vie, etc etc. Répétez ad lib et surtout, ad nauseam.
Le moment le plus tragique du livre reste, pour moi, les deux "notes de l'auteur" que l'on trouve à la fin. Dans la première, datée en décembre 2001, Takimoto explique sa joie d'avoir réussi à faire le premier pas vers une vie normale, en sortant un livre sur un sujet qui lui tenait à coeur. Il raconte son embarras à avoir du taper au clavier des expériences intimes qui se retrouveraient couchées sur le papier, mais son soulagement de l'avoir fait. Et il annonce avec fierté et dans un style très japonais qu'il continuera de faire son mieux pour la suite.
Deuxième note, avril 2005. Citation et traduction simultanée : Plusieurs années ont défilé depuis que j'ai écrit : "je continuerai de faire de mon mieux pour la suite". Je n'ai pas fait de mon mieux. Preuve en est : je n'ai pas écrit une seule autre histoire. J'en suis réduit à l'état de NEET, vivant comme un parasite sur les royalties de ce livre.
Ce qui devait l'aider à sortir du gouffre l'y a au final encore plus enfoncé. Et en effet, un rapide coup d'oeil sur sa page wikipedia prouve que l'auteur est assez peu prolixe, bien que ses rares oeuvres parues semblent malgré tout rencontrer un certain succès.

Mais John Kennedy Toole n'a pas vraiment à palir. Comment, me dites-vous ? Mais on me dit ici bas que La Conjuration des Imbéciles (A Confederacy of Dunces en VO) a reçu le prix Pullitzer ! C'est pas un looser le monsieur !
Oui, le livre a reçu le prix Pullitzer pour la fiction en 1981. Anecdote amusante cependant : le livre a été écrit dans les années 60. Pourquoi autant de temps entre la rédaction, et la publication / récompense ? Parce qu'entre-temps, en 1969, Toole en avait marre de subir des refus de la part des éditeurs et a décidé de tendre un tuyau d'arrosoir entre le pot d'échappement de sa voiture jusqu'à sa fenêtre, et de finir ses jours paisiblement dans un aquarium de diesel.
C'est grace à sa mère, qui avait une confiance absolue en la qualité littéraire de l'oeuvre de son fils, que l'oeuvre pourra paraître et recevoir la récompense qu'elle mérite. Quant on voit le portrait que Toole fait du personnage maternel dans son livre, ce comportement d'acharnée est explicable : couplé au fait que la mère a lu le bouquin en question, il y a quelque chose d'un peu plus effrayant. J'y reviendrai.

Réclusion : Ignatius Reilly vient d'une époque où le Japon était surement trop occupé à découvrir le base-ball pour qu'il y ait des Hikikomoris. Il n'a donc pas été conçu comme tel : mais il est pourtant intéressant de voir qu'il en présente bien des aspects malgré tout.
Reilly et sa mère vivent dans un quartier délabré de la Nouvelle-Orléans. Pour Reilly, le quotidien se limite à poser sur papier ses "pensées profondes" toute la journée, dans une chambre sentant le pire renfermé possible. Il ne quitte son antre qu'en de rares occasions : la principale étant d'aller au cinéma, se mettre au premier rang et s'évertuer à crier son dégoût immense quant au jeu d'acteur, la mise en scène, et tout ce qu'il peut trouver de déplaisant dans un film (comprendre : tout). En dehors de ça, il limite au maximum ses déplacements : la simple idée de sortir de la Nouvelle-Orléans lui est insupportable (il n'hésite pas à faire un récit hauts en couleur d'une occurence où ça lui est arrivé). Même dans le cadre de sa scolarité, Ignatius semble bien casanier : il est dit qu'il a passé près d'une dizaine d'années à la fac, ce qui lui a laissé le temps de décrocher . . . une licence.

Évidemment, à côté de Sato, Ignatius reste encore bien en déça. Le héros de Welcome to the NHK est quand même montré relativement baroudeur dans le manga ; mais dans le livre, ses déplacements se limitent majoritairement à son appartement et au parc du coin de la rue. Et il est dit qu'il vit comme ça depuis 4 ans : en somme, depuis qu'il a 18 ans, ce qui correspond à son entrée à la fac (et son abandon quasi-immédiat de celle-ci). Mais on en attend pas moins du prince des no-life.

- Ma foi, remercions le ciel que la voisine soit partie pour un moment. Je vais peut-être pouvoir jouer du luth sans avoir à supporter ses imprécations bruyantes de l'autre côté de l'impasse.

Mental : Dans les deux cas, les personnages sont relativement proches de "self-inserts". Il est naturel donc qu'ils ne soient pas non plus présentés commes des larves complètement amorphes, ce qui est pourtant l'état vers lequel tendent la plupart des personnes qui restent recluses chez elles aussi longtemps. C'est surtout visible chez Ignatius : il fustige une bonne partie de tous les aspects de la culture apparus après le Moyen-âge, et se réfère constamment à la Scolastique et à Boèce, citant fréquemment ce dernier, et arguant que la plupart de ce qui l'entoure et lui déplaît manque cruellement de "théologie et de géométrie", quoi que cela veuille dire.
Seto est de ce point de vue plus modeste. Ayant arrêté ses études assez tôt, il est intéressant de constater qu'il n'a vraiment RIEN fait durant 4 ans qui ait pu lui amener quoi que ce soit au niveau intellectuel. Quand il se décide à faire un jeu vidéo (hentai) avec son voisin / ancien collègue de classe Yamazaki, il réalise l'étendue de son incompétence : il n'y connait rien en musique, rien en programmation, ne sait pas dessiner . . . il ne lui reste qu'à écrire le scénario, et malgré les encouragements de Yamazaki qui lui rappelle son ancien passé de membre du club littéraire du lycée, Sato n'arrive pas à se motiver ou même à écrire quelque chose de correct. Dans le manga, il est quand même sous-entendu qu'il a des capacités rédactionelles correctes, quand il se retrouve à rédiger un texte pour une classe d'une fac dans laquelle il est entré par erreur. Mais comme c'est coupé dans le livre, le constat est nettement moins glorieux : un des passages tragico-comiques les plus divertissants reste la rédaction de la première scène érotique du jeu, où Sato est incapable de trouver le vocabulaire adapté, et finit par faire une fixation sur le mot "swollen" (traduisible grossièrement par "enflé").
Malgré ça, un des indices de quelques "restes" scolaires de Sato reviennent quand, lors d'une séance d'analyse des rèves freudien, il donne une description complètement abusive et lourde en symbolique sexuelle, juste histoire de mettre mal à l'aise son interlocutrice. De toute évidence, la seule finalité de la culture pour les hikikomoris, c'est le trolling.

Je lui raconte : "Un serpent vraiment gros et puissant est apparu. Il a plongé dans l'océan, et j'ai planté une grosse épée dans une pomme. J'ai aussi tiré sur tout ce qui m'entourait avec un super flingue noir lustré."

Physique : Une différence d'opinion sur le cinéma, une bousculade, de la drogue . . . Il n'y a pas vraiment de motifs qui justifieraient une altercation physique entre les deux protagonistes. Il faudrait déjà qu'ils sortent de chez eux pour se croiser.
Mais dans le cas où ça arriverait, comparons leur physionomie : Sato n'a pas un profil particulièrement notable. Il se rapproche de la moyenne : et le fait que le Japon propose des plats peu chers et relativement moins engrossants que ce qu'on pourrait trouver en Occident fait que malgré son manque d'activité physique, il reste somme toute relativement maigrelet. Il est en tout cas capable d'encaisser les coups, comme le prouve un combat de karaté improvisé contre son voisin.
Ignatius a un physique imposant, et est souvent assez mal habillé pour lui conférer un côté fou dangereux. Mais ça s'arrête là : Hypocondriaque jusqu'au bout des ongles, la moindre tâche physique est un véritable supplice pour Reilly, qui craint de se casser un os au moindre saut, et pour qui l'escalade d'une table est une activité requiérant de l'aide de 4 personnes. Sans oublier son fameux "anneau pylorique", sorte de zone assez vague qui va de l'oesophage au rectum, se "fermant" instanément en cas de stress, et faisant apparaître par là même apparaître des cloaques sur les mains d'Ignatius, ainsi que divers douleurs stomacales. Sans oublier les subites érections qui se manifestent dans des moments assez inattendus.
La principale défense d'Ignatius en cas d'agression resterait surement le dégout sanitaire qu'il peut provoquer. Mais contre un hikikomori, ça ne serait surement pas suffisant.

Santé : mon anneau pylorique s'est fermé tout à fait violemment cet après-midi, quand M. Gonzales m'a demandé de faire une longue addition pour lui. Quand il a vu l'état dans lequel sa requête m'avait plongé, il a eu la délicatesse de faire son addition lui-même. J'aurais préféré éviter cette scène, mais mon anneau l'entendait autrement. Ce chef de bureau risque d'ailleurs de se révéler importun à l'usage.
Jusqu'au revoir,
Darryl
[pseudonyme d'Ignatius dans son récit autobiographique], votre jeune travailleur

Rapport aux femmes : Voilà un sujet qu'il est bien.
Un peu comme comme avec la partie "Réclusion", le cas d'Ignatius a ceci de spécial que sa situation est volontaire : Il n'aurait surement pas de copines même si il le voulait, certes, mais le fait est qu'il n'en veut pas. Malgré ses masturbations régulières, Ignatius a à peu près autant de libido qu'un castrat ménopausé, et se sent bien au dessus de la masse pour avoir quoi que ce soit qui se rapprocherait d'une copine.
Pour Sato, c'est le contraire, bien évidemment. Mais avant qu'on ne me reproche encore de prendre le parti des losers sentimentaux, je dois bien admettre que Sato est en partie responsable : c'est une chose d'être un loser auprès de la gent féminine, c'en est une autre de s'être placé dans une situation où cette possibilité n'apparaît même pas : les voyages de Sato au combini du coin, et ses moments passés dans le parc sont peu détaillés, mais on les imagine assez faiblement riches en rencontres féminines, voir rencontres tout court. Et intéressamment, Sato ne se plaint qu'assez peu de cet état de fait. Il faut se rappeler cependant qu'après 4 ans vécu comme un reclu, sa psyché doit être assez effrayante (et effrayée).
Malgré tout, il y a quand même des personnages féminins dans chaque oeuvre, et elles jouent un rôle important. Dans Welcome to the NHK, Misaki est un des personnages principaux, qui "lance" le livre en quelques sorte : elle voit Sato comme un homme à sauver de sa condition d'hikikomori, et une relation relativement malsaine s'établit entre les deux, l'un étant un célibataire endurci convaincue d'avoir trouvé une sorte d'ange en la présence d'une femme s'intéressant à lui, l'autre étant une fille bien moins fréquentable et bien plus mal dans sa peau qu'elle le laisse d'abord présupposer. Mais l'histoire offre un exemple intéressant où moins par moins finissent par faire plus.
Myrna Minkoff suit un rôle relativement similaire dans La Conjuration des Imbéciles. Véritable caricature vivante de la pensée hippie des années 60, pensant que "le sexe résout tout les problèmes", elle incite sans arrêt Ignatius à faire quelque chose de sa vie, même si ce quelque chose implique en général de faire des actions d'ordre politique pour lesquels le protagoniste ne ressent que du dédain (ou, sinon, de faire du sexe). Stéréotype de l'activiste, Myrna a rencontré Ignatius à la fac, où elle s'est mis à le fréquenter ardemment, fascinée qu'elle était par l'incroyable mentalité rétrograde de l'imposant étudiant. Au moment où se déroule le livre, la distance les séparant, et la haine d'Ignatius pour la-dite distance (ainsi que son relative mépris pour Myrna) font que leurs contacts se limitent souvent à de la correspondance fort envolée. De même que pour Misaki, elle joue un rôle plutôt positif dans la conclusion relativement surprenante et très bien amenée du livre.

En parlant de sexe, ce n'est pas autorisé pour les personnes de moins de 18 ans. Et en parlant de "pas autorisé pour les moins de 18 ans", les jeux érotiques ! Encore maintenant, Yamazaki continuait de travailler sur son jeu érotique. Pourquoi ? Il faut croire que personne ne pourrait jamais l'expliquer, mais ça me semblait triste. Comme quelque chose de solitaire. C'est tout ce que je pouvais dire. Sans savoir pourquoi, ça me donnait envie de pleurer.

Malaise : Dans un cas et dans l'autre, les deux personnages sont malsains, et pourtant évoluent dans une comédie. Ignatius a un effet assez effrayant sur la psyché : il a une attitude extrêmement condescendante vis-a-vis de son entourage, mais elle n'est pas exagérée : si il vous arrive d'avoir des moments de narcissisme (et soyons francs, votre présence sur Geektature prouve de votre incroyable supériorité intellectuelle, il est donc parfaitement compréhensible que vous en ayiez), vous vous retrouverez parfois dans les paroles d'Ignatius quand il se morfond quant à la faiblesse mentale de ses pairs . . . et se retrouver dans les paroles d'un trentenaire vivant chez sa mère et ayant décroché une licence au bout de 10 ans d'étude n'est pas forcémment des plus flatteurs.
Quant à Sato, la gène qu'il peut provoquer est relativement clair. Petit passage égocentrique : Je ne suis pas un hikikomori, mais parfois, je me présente comme tel, avec juste ce qu'il faut d'absence de second degré dans la voix pour que les gens viennent à penser que je suis sincère : c'est, ça va sans dire, une hyperbole (on devient hikikomori au bout de 6 mois vécus comme ça, "socialement" parlant, et on ne va pas le crier sur les toits). Mais la façon qu'on a de me contre-dire est intéressante : "mais non, tu n'es pas un hikikomori, regarde, tu sors de chez toi, tu as des amis que tu vois régulièrement, etc.". Les gens prennent quand même la peine d'argumenter, alors que si David Guetta dirait un truc pareil, on lui rigolerait à la gueule. C'est mignon.
Tout ça pour dire : votre serviteur, et à mon avis, la plupart des "geeks", les vrais, ont probablement vécu des moments similaires à ceux que vit Sato. Ou plutôt, "à celui" que vit Sato, ce moment s'élargissant éternellement et durant continuellement pendant 4 ans. Et ce n'est pas drôle. Et voir l'anti-héros de Welcome to the NHK le faire au quotidien est douloureusement embarassant. Un ennui persistant, accompagné d'une démotivation générale, qui pousse le héros à dormir comme seul moyen de pallier à l'ennui. Une imagination relativement fertile, qui l'entraîne à s'emprisonner dans ses propres psychoses et sa propre paranoïa. Des tentatives minables de prendre quelque drogue qu'on a sous la main, car même si on sait qu'on ne se sentira pas mieux avec, on se sentira au moins différemment, ce qui est toujours appréciable (et au final, non).
Les deux personnages sont des caricatures, mais il faut admettre que Sato est relativement plus troublant en terme d'empathie qu'Ignatius. Quelqu'un qui ressemblerait à Ignatius serait de toute façon bien trop dédaigneux pour se sentir proche du personnage.

[. . .] il avait fini par en faire seulement un acte physique mécanique et répétitif, dépourvu de toutes les frasques de l'imagination et de l'invention qu'il avait autrefois été en mesure d'y apporter. Il n'avait pas été loin de se hausser jusqu'à l'oeuvre d'art, jadis, pratiquant son violon d'Ingres avec l'adresse et la ferveur d'un artiste, d'un philosophe, d'un universitaire et d'un gentleman. Il conservait encore, dissumés dans sa chambre, divers accessoires qu'il avait autrefois utilisés, un gant de caoutchouc, un fragment d'ombrelle de soie, un pot de cold-cream. Il avait fini par trouver trop déprimante la nécessité de les ranger une fois que tout était fini.
Ignatius se concentra sur ses manipulations. Enfin une vision apparut, la silhouette familière du grand collie fidèle qu'il possédait quand il allait au lycée.

Choc des titans : On entre dans le grand moment d'uchronie : si les deux se croisaient, que se passerait-il ?
Mettons un instant de côté l'improbabilité de la chose causée par leur nature d'ermite. Malgré sa situation, sa capacité à penser assez rapidement laisse présager que Sato est assez intelligent ; mais son esprit fragilisé par la réclusion l'a rendu très impressionable, et il a tendance à s'enthousiasmer dès qu'on lui propose le moindre projet qui le ferait sortir de l'ordinaire. Ça tombe bien : Ignatius a un certain talent pour "convertir" à sa cause des individus (talent qu'il perd complètement quand il s'agit de controler une foule, prouvé à plusieurs reprises dans le roman) et sa vision nihiliste pourrait s'accorder avec celle de Sato. Il pourrait même en résulter une sorte d'amitié relativement malsaine, mais de courte durée : Sato n'est pas non plus abruti : même embrigué dans des projets qui l'enthousiasment, il garde un regard critique sur la nature d'autrui : il ne porte pas spécialement Yamazaki en haute estime, malgré son enthousiasme initial pour le jeu hentai qu'ils font tout les deux ; et il en va de même dans le manga pour ce qui est de son ancienne camarade de classe qui le traine dans une arnaque pyramidale. Qui plus est, il hérite quand même d'une certaine quantité de vices inhérents aux otakus qui auraient vite fait de stupéfier et d'horrifier Ignatius.
Une collaboration entre un Japonais des oo-oo's et un Américain dont le modèle spirituel se situe au moyen-âge ne serait pas amené à faire grand-chose, si ce n'est à être drôle ; ce qui serait déjà pas mal.

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Je ne pense pas qu'il y ait vraiment de "conclusion" à apporter. Sato et Ignatius sont deux perdants, similaires mais concourrants dans des rubriques différentes. Les deux auteurs sont aussi, à leur façon, des loosers. De ce fait, les deux bouquins apportent au moins la satisfaction de pouvoir acheter de la littérature en étant convaincu que ça ne gonflera l'égo de personne. Welcome to the NHK est peut-être un plus "gros" monument pour les otakus, mais La Conjuration des Imbéciles vaut aussi le détour, pour une approche différente mais rapprochable. Et ça vous changera de votre mangasse et de votre presse gratuite, bande de gougnafiers.


À venir : Le meilleur anime de 2009 ! Des jeux Koei en fast-reviewing ! Des films horribles ! Une récap des jeux sortis en 2009 ! Et bien évidemment, l'article coup de poing, une récap de MA vie en 2009, pleine de drama, de plainte, et de mysoginie ! Tout ça grace aux vacances de Noël et à mon absence de vie sociale ! Rejoice !

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