Rien à voir avec le Labour Party.
Blair est grand. Blair est immense. Blair va bientôt lancer un clip sur son site. Ce qui est génial, avouons-le.
Mais je m'égare. Vous risquez de ne pas connaitre le sympathique monsieur.
Il s'agit ici d'un musicien. Talentueux de surcroit. Issu d'un peu je-ne-sais-où, jouant du je-ne-sais-quoi, il est bien difficile de cerner ce personnage énigmatique, comme ça l'est de décrire sa musique.
Il y a des instruments et des gens qui jouent avec lui, on est bien d'accord. On est pourtant assez loin du fameux trio "guitare - basse - batterie" . Non pas que celles-ci soient absentes, bien au contraire, mais un nombre incroyable d'instruments moins répandus viennent parfois se greffer aux compositions du monsieur. Piano, orgue, violons, kazoo, "flute indienne bon marché" . Les rythmes varient profondément d'une musique à l'autre. En écoutant "Alexandre" , on a un peu l'impression de se retrouver face à "Mou" d'Oldelaf & Monsieur D. (ou à du Benjamin Biolay . . .) en terme de rythme, alors que "Une bonne guerre" ou "Bourgeois qui pête à table" va parfois tellement vite qu'à essayer de la chanter on a l'impression que sa langue est en train de se sectionner en deux parties égales.
Mais le génie de Blair ne s'arrête pas qu'à ses compositions, car c'est avant tout un parolier de mérite. Il n'est pas facile de voir ce que Blair veut dire dans ses chansons. Ca a l'air à première vue de ne pas avoir vraiment de sens. Pourtant, on ressent comme une ligne directrice, toujours à se moquer des gens dont on ne se moque pas assez dans les chansons. Car il laisse libre cours à notre interprétation pour que l'on s'attribue nos propres cibles, en donnant des noms à ce Guglu, transformiste autiste, probablement, qui marche sans jamais s'arrêter dans l'espoir de trouver un marteau assez dur pour s'éclater la tête dessus. Ou encore, Les Sagouins, texte qui m'a apparu, à ma 470ème écoute (sérieusement, quand j'aime quelque chose, je l'écoute en boucle) comme une incroyable pique aux accrocs de la télévision et à ceux qui les occupent. Et là encore, tout n'est interprétation, peut-être suis-je à des kilomètres de ce que pensait Blair en écrivant la chanson. Ce qui en serait d'autant plus exaltant.
On pourrait continuer longtemps. "Une bonne guerre" , qu'est ce que c'est ? Un morceau qui se moque probablement des vieux qui pensent que partir au combat comme en 14 remetterait du plomb dans la tête des jeunes (dans tout les sens du termes) . Mais qui pourtant, n'hésite pas à prouver que l'intégralité de la race humaine ne fait rien pour ne pas mériter un évenement aussi cruel. Tous, vous dis-je :
Ma famille elle est sans problèmes
C'est vrai mais j'en ai un peu marre
De jouer à j'vous aim' bien quand même "
Avec ce tas de ploucs ringards
Au final, ne serait-ce pas là plus une incitation à tenter de nous pousser de sortir d'un status quo que nous nous instaurons nous-même ?
Et dans le même ordre d'idée, Les lasagnes, est-ce un pamphlet, ou un éloge du racisme ordinaire ? Ce genre de petite haine insidieuse mais inoffensive et sans orientation politique (car au moment de voter, seul la conscience tranquille importe) que jamais on n'oserait admettre publiquement, qui nous permet juste de nous conforter nos certitudes, et qui est le seul échappatoire à la vie misérable qu'on inflige au narrateur de la chanson, même quand celui-ci semble réussir à s'en débarasser ? Il est bien tentant d'attribuer cet aspect dérangeant aux chansons, même si cela n'a peut-être jamais été le cas.
A mon gout, les textes de Blair sont presque de la philosophie. Si on le veut bien, on peut réfléchir à un texte de Blair. L'analyser, le disséquer.
Il reste ensuite évidemment ces morceaux un peu OVNIs, comme les deux morceaux anglais du premier (et rarissime) album (que j'ai ! ha ha !) , à savoir "Baby Face" , une sorte de dialogue de mauvaise pièce de théatre récité sur rythme dansant sans qu'à aucun moment on ne puisse distinguer le passage d'un personnage de l'autre. Ou encore "Courage & Good Will" , qui, et bien ma foi . . . demande probablement trop de réflexion et un travail de traduction énorme pour devenir saisissable.
Et je ne parle pas de "C'est du sperme" , qui vient détruire tout ce que je viens de dire à propos de l'aspect intellectuel que l'on peut trouver dans chaque piste de Blair.
Vu dans le livret de l'album : Les massiaux n'existent pas - Eugène Rouher, 1960.
Alors ensuite, on peut quand même faire quelques petits reproches au génie. Déjà, il n'est pas facilement attaquable. Pour tout vous dire, lors de mes premières écoutes, il y a beaucoup, beaucoup de morceaux que je zappais, car je les trouvais juste inaudible. Je me contentais de rester avec mes "Pomme de Terre" "Baby Face" "Une bonne guerre" "Et alors" et "Bourgeois qui pête à table" (passant à côté de perles comme "Gontran") . Encore aujourd'hui, j'ai un peu de mal à lancer avec enthousiasme "Guignol" pour autre chose que le refrain, ou encore "Petit régis" . Même Blair le dit dans une interview : En ré-écoutant cet album, la seule piste qu'il trouve écoutable, c'est "Baby Face" .
En bref, vous pouvez tenter l'aventure Blair. Ou pas. Tout ne dépendra que de vous. Mais comment pourriez-vous le regretter ?
Comme il est bon et pieux notre nouveau curé.
Mais quel est ce liquide dans le bénitier ?