Cheer up, emo geek.
3 semaines sans messages. Bon, ok, pas cool.
Mais rassurez-vous, je compte bien me rattraper. Et vous rembourser mon lymphatisme au centuple. Avec un gigantesque wall of text.
Pas n'importe quel wall of text, en plus. Je me suis dit que je pourrais me contenter d'un quelconque message banal et de le laisser là pendant encore tout un cycle lunaire. Mais non, ce coup-ci, j'ai décidé de faire quelque chose d'un peu plus original.
Ce billet sera, je vous préviens d'office, pathétique. Même au second degré, je m'en suis assuré. De cette façon, la honte me submergera à chaque fois que j'y repenserais, et je ne tiendrais pas longtemps avant de faire un nouveau message pour le remplacer. Qui parlera probablement de samuraïs et de cowboys, mais chut.
Tout ce texte repose sur une seule et unique question, qui sera finement décortiquée et analysée. Peut-être. Alors, prenez votre souffle, détendez-vous en regardant l'image ci-dessous, puis, parce que c'est le web 2.0 quand même, essayez de répondre à la question qui viendra juste après.
Bien. Pourquoi jouons-nous aux jeux vidéo ?
Si vous avez déja une réponse de prête, alors vous avez faux. Ou plutôt, vous n'êtes pas tant concernés que ça par le problème.
Vous jouez aux jeux vidéo parce que vous trouvez ça amusant ? Peuh, il vous en faut peu, vous, décidemment. Vous y jouez parce que vous n'avez rien de mieux à faire ? Vous m'êtes déja plus sympathique, mais comprenez que votre réponse n'est pas tout à fait exacte. Trop floue. Et trop réductrice. Mais nous allons y remédier.
Les vrais, les purs, les durs, savent comment il faut réagir. Il faut réagir comme le mathématicien à qui on pose la question "Mais à quoi ça sert, tout ça, concrètement, en fait ?" ou à l'étudiant en sociologie qui se verrait demander "et à part prof, tu peux faire quoi avec tes études ?". Dans ces 3 cas, il s'agit de questions dont la formulation de la réponse ne peut être que plus compliquée que celle de la question, et dont la finalité s'avèrera probablement fort embarassante si elle n'est pas accompagnée d'un lourd argumentaire. On ne se débarasse pas si facilement de questions comme ça.
Pourquoi jouons-nous au jeu vidéo ? Pourquoi j'y joue ? Pourquoi passerais-je probablement 2 fois plus d'heure à jouer qu'à dormir si la vie me le permettait ? Pourquoi l'ais-je, à vrai dire, déja fait, et que je le refais dès que j'en ai l'occasion ?
Question hardue, mais qui a une réponse. Une vraie, qui me mettrait presque en valeur. Mais n'allons pas trop vite en besogne.
Utilisons une technique courante dans ce genre de cas : Changeons complètement de débat. Là comme ça, cash, toutes ces dernières lignes n'était que de l'attention whorisme pur et dur. Posons-nous une question complètement différente, cette-fois ci sans réelle mauvaise réponse, et sans image rigolote pour nous changer les idées. A vrai dire, il n'y aura même pas de saut de paragraphe, comme ça, parce que je suis un putain de rebelle. Retenez votre souffle, la voilà : Comment faire pour mener une vie agréable ?
Pour chaque personne, une réponse différente. En accumulant de l'argent dira l'un. En s'entourant d'un bon cercle d'amis qu'on prendra soin de conserver, dira l'autre. En se procurant suffisemment de Flunitrazépam, de rouleaux de scotch, d'appareils photo et de viagra dira le dernier, assez louche, qui se fera embarquer par la police quelques heures plus tard. Certes.
Mais on détecte un pattern ici. L'un dans l'autre, la question le révêlait déja. Comment faire pour mener une vie agréable ? Il faut faire quelque chose. Verbe d'action on-ne-peut-plus basique. Plus bêtement, il faut, dans des mesures radicalement différentes d'un individu à l'autre, faire des efforts.
Il faut en faire pour tout. Oui, même pour les jeux vidéo, pour les malins qui pensaient déja tenir le climax du débat entre leurs mains. Il faut faire des efforts, à tout moment de sa vie, pour parvenir à quelque chose, ce qui est, somme toute, relativement normal, et presque empreint de bon sens.
Mais soyons francs un instant. Prenons en compte l'époque à laquelle nous vivons, le Zeitgeist, et toutes ces autres conneries. Regardons quels genre d'efforts nous faisons, et voyons quels sont leurs impacts dans notre vie de tout les jours. Le gros pathétique bien lourd commence ici.
Dans les études et la vie professionelle ? Ho ho ho. Non. Je ferais probablement criser tout ceux qui ont une âme de pédagogue, mais en tant qu'échec scolaire bipède et vertébré, je peux vous dire que les efforts faits dans ce domaine n'aboutissent quasiment jamais à rien. Oh, bien sûr, ils peuvent permettre de franchir une ou deux difficultés à un moment ou à un autre, mais soyons francs : dès que vous vous rendez compte que vous n'arrivez plus à suivre en classe sans déployer 3 fois plus d'efforts que votre camarade, vous êtes cuits. A partir de ce moment, il vaut mieux éviter de se poser comme question "combien d'années avant d'obtenir le diplome dont j'ai envie ?" parce que vous allez vous rendre compte que chaque jour de chaque semestre/trimestre sera un sacerdoce à essayer de se mettre à niveau avec les autres, espoir qui ne se concrétisera jamais vraiment, et que le moindre manquement aura pour vous des conséquences catastrophiques.
Pour ceux qui penseraient que je ne poste ça que pour le plaisir de me plaindre, je vais me mettre à la place de celui qui a les bonnes prédispositions. Je suis bon en traduction. C'est un des rares domaines scolaires où je brille, en fait. J'en brille peut-être d'autant plus que je suis mauvais partout ailleurs, mais là n'est pas la question.
Ordonc, présupposons un devoir de traduction. Je le fais par dessus la jambe en arrivant avec un brouillon où on reconnait les arrêts du RER à l'écriture moins tremblante, je place les formules qui font bien, je le signe, et j'obtiens un 16 et un professeur ravi. A côté de moi, Machin Chose, qui a passé 2 semaines le nez plongé dans un dictionnaire et qui a copieusement violé le plan Grenelle par le simple nombre de feuilles de brouillon et de crayons papier qu'il a utilisé pour son devoir va se voir remettre un fantastique 8. Deux fois plus que d'habitude. Ce qui lui fait une belle jambe.
Est-ce injuste ? Oui, complètement. Est-ce qu'il a fait des efforts ? Aucun doute. Plus que moi ? Je n'ai même pas envie de vous répondre. Est-ce qu'il a des raisons d'en refaire à nouveau ? Non, pas du tout. Est-ce qu'il a raison d'abandonner ? Je n'aurais pas l'audace de répondre à cette question à sa place, contrairement à vous, qui réussissez tout sans la moindre difficulté. Mais pour ma part, je le comprends.
Evidemment, cette logique peut s'appliquer à de nombreux domaines. Ma situation financière, malheureusement peu stable, et ma situation plastique, elle bien plus stable hélas aussi, ne m'ont pas permis, en 7 ans de majorité sexuelle, de me faire une grande expérience de ce qu'était une vie sentimentale. Mais je pense qu'on peut superposer le constat avec celui qui est de se faire des amis, une tâche où j'excelle grace à mon charisme incroyable et à ma sympathie désarmante : dès qu'on commence à faire trop d'efforts, ça sent le roussi. Oh certes, en faire un peu est nécessaire par moment (je n'oserais pas contre-dire ce que j'ai dit sur mon article à propos de Suck my Geek) mais il y a un moment où trop c'est trop, au point où se change tellement soi-même qu'on en devient ridicule. Encore un exemple d'un endroit où le naturel transgresse de loin tout ce qu'on pourrait tenter de faire pour le modifier. Une question de fluide, diront-certains.
Jusqu'ici, le constat est un peu déprimant, mais ça passerait encore si cette mauvaise habitude ne transparaissait pas aussi dans nos loisirs. Là évidemment c'est un peu différent, mais le principe reste le même. Discutez avec un quelconque dessinateur, auteur, musicien, sportif ou dieu sait quoi, et demandez-lui de combien de ses oeuvres ou accomplissements il est vraiment satisfait. A part certains égocentriques, à les entendre, vous auriez presque l'impression qu'ils regrettent d'avoir consacrer autant de temps à leur passion, vu qu'ils décrivent le tout comme une sorte d'océan de médiocrité d'où surgissent, à la rigueur, quelques ilôts de fierté personelle. On en connait tous des comme ça.
Bon évidemment, dans mon cas j'ai surtout envie de leur arracher les yeux et de leur mettre devant la feuille en leur hurlant "MAIS PUTAIN BIEN SUR QUE SI QUE C'EST BIEN DESSINE, CA NE POURRAIT ÊTRE MIEUX QUE SI CETTE FILLE SORTAIT DE LA PAGE ET ME PROPOSAIT UNE FELLATION, ET NON ARRÊTE DE T'EXCUSER JE SAIS TRES BIEN QUE C'EST IMPOSSIBLE A FAIRE, ET JE LE SAIS PARCE QUE SINON TU L'AURAIS FAIT". Mais là n'est pas vraiment la question. Le fait est que même si on peut ressentir une fierté en exhibant son art à autrui et en le voyant émerveillé, on n'est pas nécessairement satisfait de ce qu'on a fait nous-même.
Oui, il n'y a qu'une poignée de planches de Sans_nom que je trouvais digne d'être uploadés.
Celle-là par exemple, je suis pas sûr.
Bref, un tour d'horizon fort déprimant ma foi. Cela voudrait-il dire qu'il n'existe nul domaine dans lequel nos efforts sont récompensés à leur juste mesure ? Que nous devrions nous contenter éternellement d'un gigantesque et terrible nivellement par le bas de nos vies ? Et encore combien de questions réthoriques avant que je ne droppe the bomb ?
What a twist.
Oh oui, je vous vois déja vous prendre la tête entre vos mains, soupirer en étant vaguement abattu, fermer l'onglet dans un gigantesque élan de rage ou aller boire un verre d'eau. Mais vos réactions n'y changeront rien, car ici se tient l'incroyable et déterminante vérité.
Les jeux vidéo représentent la seule activité interactive où les efforts investis sont récompensés à leur juste valeur.
Vous allez me dire "non mais attend c'est ridicule, on investit quasiment aucun effort quand on joue". Et je vous répondrais en italique, avec un grand sourire, précisemment. Et pourtant, vous ne le nierez pas, ce sentiment de réussite personelle après avoir passé une étape particulièrement difficile, après avoir vaincu un boss incroyablement hardu, après avoir réussi à sortir sans faute 20 fois de suite un combo ultime, ça reste un sentiment de réussite. Petit, certes. Mais relisez chaque paragraphe plus haut, et dîtes-vous que c'est toujours mieux que de trimer plus du quart de sa vie pour obtenir un job chiant qui paiera un smic et demi. Mieux que de vaincre sa timidité et ses mauvaises habitudes vestimentaires pour se prendre un rateau. Mieux que de taper un gigantesque wall of text à l'attention d'une quinzaine d'habitués dont probablement plus de la moitié ne prendra pas la peine de tout lire en entier.
Oui, j'ai galéré comme un chien pour remporter la bataille de Chi Bi avec ce connard de Cao Cao qui me butait Huang Guai pendant que je protégeais chichement Zhuge Liang. J'ai du allier un bourrinage intensif et une gigantesque subtilité dans le choix de mes cibles pour finir le grand prix de F-zero GX en very hard avec cette daube infame de QQQ. Et je ne suis pas prêt d'oublier cette image d'Hibiki cassant Kyo Kusanagi dans sa furie avec mon quart de cercle arrière poing immédiatement enchainé de sa furie spéciale niveau 3, occasionant un putain de finish de sa mère en lettres de feu et une pose de victoire spéciale. J'ai encore le replay, même, je crois.
Oh oui, le temps investi pour chaque cas était assez succint, je l'admet volontiers. Mais j'en retire une satisfaction dont je me souviens encore aujourd'hui.
Finalement, si nous y jouons autant aux jeux vidéo, nous les loosers geeks, c'est pour ça. Je ne vis pas coupé du monde pour autant, je continue de me démener dans mes études, je continue d'essayer de faire des trucs de ma vie dont je n'aurais pas trop honte après (ce message est une exception). Mais je me dis que quelque part, aussi triste cela paraisse, il existe un game designer qui est soucieux des efforts que je fais pour terminer son jeu, et qui me récompensera à la juste valeur du temps que j'aurais investi pour relever son challenge.
C'est faux évidemment. Mais comment justifier autrement ces 50 heures passées à finir Bladestorm ?